Bermuda Syndrome : Quand Indiana Jones visite Jurassic Park

Bonjour, aventuriers émérites et en herbe. Aujourd’hui, vous voulez explorer des contrées inconnues, découvrir des anciennes civilisations, combattre des créatures étranges ? Vous êtes sur le bon article.

Bermuda Syndrome est un jeu PC sorti en 1995, développé par Century Interactive et édité par BMG Interactive (toute cette interactivité c’est beau). C’est un jeu d’aventure qui mélange la plate-forme, quelques combats et de la résolution d’énigmes.

On interprète Jack, un pilote de l’armée, a priori américain, a priori pendant une guerre mondiale (les informations sur internet m’indiquent la Seconde). On rencontre son personnage dans une cinématique d’intro qui a bien vieilli pendant laquelle Jack saute dans son avion, décolle, se fait tirer dessus par les ennemis en 5 minutes et s’apprête à s’écraser. Sauf que pendant sa chute, son avion passe par une sorte de portail interdimensionnel (qui s’explique par….par…oh attention regardez UN T-REX !!!).

Eh oui, après avoir traversé le portail, Jack se retrouve dans une jungle dans laquelle un dinosaure est sur le point de dévorer une jeune femme dans un body orange astucieusement découpé (boob…mais juste un. Oui mais qui êtes-vous pour lui donner des leçons de style ?) ligotée. Mais heureusement, l’avion, en s’écrasant, décapite le dinosaure (ouf…bon timing hein !)

Bim, prends ça, carnivore désuet.

Après cela, on se retrouve dans cette position relativement inconfortable :

C’est vous là, en haut à droite, coincé dans votre parachute.

Et c’est parti pour l’aventure !

Système de jeu

On est sur un mode de jeu utilisant des tableaux en 2D dans lesquels vous évoluez un à un.

Le gameplay1 n’est pas des plus fluides. On appuie sur une touche, ça donne l’inventaire. Vous avez votre vie, vos objets, vos armes, vos possibles actions (une bouche, une main et la dame au body). Lorsque vous sélectionnez un objet ou une action, cela s’affiche en haut à gauche de l’écran et vous n’avez plus qu’à fermer l’inventaire et l’utiliser sur ce que vous voulez. Vous allez apprendre à l’utiliser très vite puisqu’il faut se sortir de ce parachute et vous n’avez qu’un petit couteau. Hop on se détache, on détache la dame (qui s’enfuit, de rien hein), on bute (enfin « on », le jeu le fait à votre place en mode automatique) un mec qui avait survécu à votre crash (pourquoi tenter de parlementer après tout) et on file vite dans l’écran suivant. Là on trouve un fusil (arme la plus utilisée du jeu).

Après cette découverte utile, on retrouve la dame, et au passage le scénario.

Le scénario, au passage

Bon le scénario, si vous le voulez, il faudra enchaîner les bonnes répliques avec la dame (c’est-à-dire à choisir les répliques les moins malpolies). La dame, c’est Natalia, fille unique du roi de ce bled. Le roi est malade, au bord de la mort, et en sacrifiant du sang royal (Natalia donc) aux « Dieux » (le T-rex..donc ?), tout le monde pensait pouvoir réclamer leur clémence et sauver le roi. Mais Jack a tout gâché. Vous voilà maintenant avec une compagne de jeu qui pourra vous aider dans certaines situations. Je vous préviens, c’est le genre de compagne qui prend un chemin facile en arrière-plan pendant que vous galérez en faisant des détours absurdes.

Bon, voilà, ne nous voilons pas la face, c’est un scénario relativement simple. Bien que d’autres éléments seront ajoutés au fil de l’histoire. Cependant c’est un scénario-prétexte efficace pour vous faire avancer de tableau en tableau. Mais au-delà du prétexte, on a les clichés.

En effet, Jack est l’archétype de l’américain macho malpoli arrivant tel l’élu dans un patelin afin de sauver le monde (‘Merica, FUCK YEAH).

ON VA VOUS LIBEREEEEEER

Et surtout, une « romance » particulièrement naze va naître entre deux personnages qui ne s’aiment pas mais finissent ensemble car il faut bien, on a un homme, on a une femme, ils ne vont tout de même pas rester AMIS vous imaginez ? D’autant plus que cette relation va éclore d’une façon mille fois vue au cinéma et qui me hérisse le poil, à base de :

  • Un homme et une femme se rencontrent, ils ne s’aiment pas.
  • L’homme parle constamment mal à la femme sous couvert de « on rigole bien, humour, dans la vraie vie, je me serais pris un taquet »
  • L’homme fait constamment du forcing sur la femme pour la pécho (oui je parle d’jeuns) et fait des remarques bien lourdes.
  • La femme n’apprécie pas ses remarques jusqu’à un point magique dans l’histoire où, tout à coup, cela lui plaît et elle tombe follement amoureuse de l’homme, souvent via un baiser forcé ou par surprise, et un soupir langoureux de la femme type « Oh…machin[à remplacer par le prénom du protagoniste]… »

Vous comprenez maintenant ma référence à Indiana Jones dans le titre (ça aurait pu être James Bond également). Scénaristes du monde entier, ceci est un appel au secours : écrivez de réelles romances consenties ou n’en écrivez pas, merci.

Bref, l’intérêt de ce jeu ne se situe pas dans l’écriture mais plutôt dans le…

Voyage, Voyage !

Eh oui, parce que ce jeu de 1995, il

Est

BEAU !

Je n’utilise pas le mot « tableau » au hasard en parlant des décors. Le simple fait de regarder un peu l’arrière-plan vous donne envie d’aller explorer la pampa de ce coin reculé. On démarre dans la jungle, mais on traverse toutes sortes d’environnements : des catacombes, des grottes emplies de monstres, des ruines de civilisations disparues, des cités majestueuses, un palais et j’en passe.

Là, vous avez pas envie d’aller faire une petite randonnée en arrière-plan ?
Et là ? Derrière l’homme menaçant sur un dinosaure, vous avez pas envie d’aller vous promener tranquillou ?

Ce genre de décors invite au voyage et donne envie d’en apprendre beaucoup plus sur le monde où l’on atterrit (vous en apprendrez un peu plus…mais pas beaucoup).

Le côté un chouïa négatif c’est que de rares éléments interactifs peuvent se confondre avec le décor. Cependant, les éléments interactifs sont signalés comme les objets utilisés en haut à gauche. Et on peut globalement aller à gauche, à droite, en haut, en bas (ces soirées-là ! han han han, kass-dédi Yannick) dans des itinéraires simples, donc pas d’inquiétude vous ne serez pas perdu. Et ça tombe bien, parce qu’il va falloir se concentrer pour pouvoir avancer dans ce magnifique univers.

Du soft lock2 sympa mais pas trop

De temps à autre, il faudra réfléchir un peu. Les énigmes ne sont pas de type puzzle. Pas de rubix cube antique perdu dans une ruine, clé d’un passage secret menant vers un trésor (y a pas de trésor d’ailleurs, y a une princesse déjà, n’en demandez pas trop). Il faudra plutôt savoir comment exploiter le décor et les éléments du tableau afin d’avancer au suivant. De l’énigme à base de plateforme disons. Pas forcément facile mais pas du niveau doctorat non plus.

En revanche, je vous conseille de sauvegarder souvent car il arrive de déplacer un rocher un peu trop loin et à Jack de parler tout seul :  « ah bon bah là on est coincé hein ». Oui le jeu est sympa, il vous prévient quand vous vous êtes coincés….parfois. Il peut arriver (une seule fois en réalité) de prendre la mauvaise décision (faire le bourrin au lieu de réfléchir…j’ai des mauvaises habitudes de jeu) et de rester coincé.e comme un.e con.ne, sans pouvoir avancer. De retraverser touuuus les tableaux pour chercher ce qu’on a raté. Mais il est trop tard, une fougère vous barre le chemin, vous ne sauverez jamais le royaume de Natalia.

Heureusement, faire le bourrin, ça peut être utile.

Pew pew les dinos

Voici l’autre point fort du jeu : LES GROS MONSTRES. PLEIN DE DINOSAURES DES INSECTES GEANTS DES ZOMBIES DES HOMMES LEZARS RAPTOR JESUS EST-CE TOI ?

Hum pardon.

J’aime les gros monstres.

Le bestiaire est donc varié. Le fusil possède des balles illimitées mais doit être rechargé après quelques balles. Cela donne donc un minimum de tension aux phases de combat. Cela dépend essentiellement des types d’ennemis qui peuvent exiger un peu de temps pour en venir à bout ou qui seront tellement lents qu’il ne s’agira que de cibles sur lesquelles vider son chargeur. De plus, le fusil cesse de fonctionner pendant un court laps de temps après avoir nagé dans un lac ou autre marais.

Et il y a même des duels de sabre. C’est cadeau. Mais ça ne sauve pas tout.

Le bilan : la frustration mais un bel héritage.

Globalement, Bermuda est un jeu sympatoche. Mais ce qui m’intéresse au-delà de cela, c’est que c’est un jeu qui est un bon représentant d’une catégorie :  le cinematic platformer. Il s’agit d’un type de jeu de plateformes particulier qui se veut plus réaliste et fluide (comparé à d’autres jeux comme Super Mario par exemple). Cela se ressent notamment dans les capacités physiques du personnage et ses animations (Le personnage peut sauter jusqu’à une hauteur physiquement atteignable par un être humain. Lorsqu’il court puis s’arrête, il y a un temps pendant lequel il doit freiner. Il a des proportions réalistes. Etc.). L’animation est parfois faite grâce à la rotoscopie 3. Souvent le personnage est fragile et peut mourir rapidement, voire en un coup ce qui fait fonctionner le jeu sur le modèle du die et retry 4.

Voilà une illustration de la rotoscopie.

 Ce genre c’est celui du premier Prince of Persia, du magnifique Another World, de Oddworld, et plus récemment de Limbo et de Inside. Et l’appartenance de Bermuda Syndrome à ce genre et la comparaison avec de plus gros titres me font me rendre compte des raisons pourquoi j’ai de l’affection pour ce jeu et des raisons pour lesquelles il n’est pas aussi génial que les autres.

Another World dans lequel vous atterrissez également dans une autre dimension.
Oddworld dans lequel vous incarnez Abe, un esclave qui doit s’enfuir de l’usine dans laquelle il est exploité.
Le magnifique INSIDE dans lequel on incarne un enfant traversant un monde à l’ambiance profondément dérangeante.

Bermuda Syndrome en fait à la fois trop et pas assez. Il met en place tout un univers parallèle qu’on aperçoit sans explorer en entier (jeu de plateformes en 2D oblige). Et comme je l’ai dit, ça invite au voyage et à l’imagination, c’est une bonne idée. Malheureusement, c’est quelque peu gâché par les dialogues du jeu. Au lieu de mettre en place une mise en scène plus subtile et muette qui donne des éléments aux joueur.euses en les laissant les assembler, nous avons des personnages assez clichés qui résument l’intrigue de façon artificielle («Je suis le vieux sage Bidule, il faut que tu sauves le peuple Machin du grand méchant Truc, sauve-nous Américain plus développé que nous populations indigènes »). Et quitte à faire une intrigue explicite, j’aurais préféré quelque chose de plus nuancé que « sauver la princesse et son peuple ».

Cela dit, et je laisse peut-être la nostalgie en moi parler, si Bermuda Syndrome ne présente pas toute la profondeur ou l’originalité de ses pairs, il en possède très certainement la saveur. Et cette saveur de pure aventure, d’exploration vaillante et d’errance épique, si elle vous tente ou si elle vous manque, je ne peux que vous recommander ce titre ainsi que toutes les grandes œuvres du mouvement auquel il appartient.

Ce jeu vous intéresse ? Et les autres cinematic platformer ? N’hésitez pas à publier votre avis dessus.

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Disponible gratuitement sur Abandonware France.

Crédits image (dans l’ordre) :

  • oldgames.com
  • https://giphy.com/gifs/12LWJnZ5okR8PK
  • https://giphy.com/gifs/reaction-LSmULmByAQHQs
  • commons.wikimedia.org
  • https://www.flickr.com/photos/ian_d/129652918
  • gamefaqs.com
  • https://giphy.com/gifs/games-ios-xUOxflwPY01EmZNl2E
  1. Mot qui désigne la façon dont le jeu se joue. Cependant, le mot est devenu très fourre-tout pouvant être utilisé pour désigner le ressenti du joueur, la maniabilité d’une manette etc.
  2. Le soft lock c’est ce moment joyeux où vous êtes définitivement bloqués dans le jeu mais que le jeu ne le signale pas
  3. Technique consistant à recopier les contours image par image des personnages d’un film projeté sur un chevalet à surface transparente
  4. « mourir et réessayer ». C’est un mécanisme de jeu qui nécessite de perdre au moins une fois afin de connaître le déroulement du jeu et ainsi de déjouer des pièges ou de finir les niveaux.

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